Une belle canaille
Collins, William WilkieCollins aura mis plus de vingt ans avant de ce décider à publier pour la librairie ce court roman où il avait logé la quintessence de son méchant esprit et de sa mauvaise éducation. Rien de moins que l’histoire d’un escroc – du genre sympathique – racontée par lui-même. Un peu son Barry Lyndon, si l’on veut... mais en beaucoup plus immoral.
Dans sa préface à l’édition de 1879 qu’il avait refusé d’expurger, il annonçait sans illusion : « Il se peut que les pisse-vinaigre relèvent dans certains passages de ces confessions imaginaires un ton de gaieté presque tapageuse ». La volée de bois vert par laquelle la critique bien-pensante de l’époque accueillit son livre dut le réjouir plus que le surprendre. L’essentiel pour lui – et pour nous qui le lisons aujourd’hui, le coeur transporté d’aise à chaque nouvelle vachardise que distille le texte –, l’essentiel n’était-il pas que certaines choses soient dites, écrites, et que la bonne société victorienne en prenne un bon coup pour son grade ?
Mission accomplie, et haut la main. Dans un registre certes différent de celui qu’exploite d’habitude le romancier – on tremble, sans doute, mais on rit plus encore. Et si crime il y a bien (Collins, comme Hitchcock, ne serait plus lui-même si ses personnages n’enfreignaient pas la loi à un moment ou à un autre), c’est du côté du criminel que nous sommes forcés cette fois de nous ranger.
Ce qui, l’on s’en doute, n’est pas pour nuire à notre plaisir.
Préface de Michel Le Bris